Deux mères, un combat et une médaille
Deux mères, un combat et une médaille
« Aujourd’hui ici c’est sans protocole, car c’est une amie, tout simplement, que la nation veut honorer, chère Marie-Jeanne. » C’est ainsi que Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des Personnes Handicapées, commence son discours pour Marie-Jeanne Braunstein, mardi 8 mars 2022. Marie-Jeanne, mère de Nina qui est accompagnée par L’Arche à Strasbourg, va se voir décorer de la médaille de Chevalier de l’ordre national du mérite pour son combat mené pour la pleine participation des personnes en situation de handicap mental.
Deux mères, deux amies. « Madame la ministre, chère Sophie », répond Marie-Jeanne à Sophie Cluzel. « Mon investissement associatif est intimement lié à mon histoire personnelle et familiale » explique-t-elle. Comme l’avait rappelé Sophie Cluzel quelques instants plus tôt : « [Marie-Jeanne est] entrée dans cet univers [du handicap, ndlr] comme bon nombre de parents : de façon contrainte, par les circonstances. (…) Le handicap est venu bousculer [son] quotidien. » Marie-Jeanne et Pierre Braunstein ont en effet deux filles : Caroline, l’aînée, et Nina, la cadette, porteuse d’une maladie génétique rare, le syndrome de l’X fragile. « Je suis moi-même passée par là, explique Sophie Cluzel, maman d’une jeune femme porteuse de trisomie 21. Je sais ce que peut représenter l’arrivée d’un enfant en situation de handicap et je sais aussi ce que cela représente pour la fratrie », souligne-t-elle en regardant Caroline, présente pour l’occasion.
De son aventure de mère d’une personne ayant un handicap, Marie-Jeanne en parle comme d'un « parcours initiatique ». Un parcours « fait de déconvenues, mais aussi et surtout de belles rencontres. » C’est d’ailleurs lorsqu’elle devient membre du conseil d’administration de la FNASEPH qu’elle rencontre Sophie Cluzel, qui en assure alors la présidence. Ensemble, elles vont faire des veilles téléphoniques pour les familles : cela crée des liens ! En 2017, « surprise de taille » : Sophie Cluzel est désignée pour être secrétaire d’État aux personnes handicapées. Marie-Jeanne se souvient : « Aux personnes qui me demandaient si je m’étais attendue à une telle nomination, j’aurais pu répondre comme les ados : Même pas en rêve ! »
Le parcours d’une combattante. « Tout au long de ton parcours, tu as fait preuve d’une formidable énergie, simplement pour faire avancer les choses », note Sophie Cluzel en revenant sur les nombreux engagements de Marie-Jeanne. « Faire avancer les choses… Ce que nous poussent à faire nos enfants. »
« Un parcours scientifique, médical et surtout administratif » se plaît à souligner Marie-Jeanne : « J’ai découvert avec étonnement et effarement le monde du handicap et la façon dont il fonctionnait...» Dans ce « voyage en absurdie » qu’elle raconte, Marie-Jeanne « fait partie de ceux qui ont décidé de s’engager pour améliorer la vie des personnes en situation de handicap mental, notamment par leur intégration éducative, sociale, professionnelle, mais également pour venir en aide à d’autres familles » (Sophie Cluzel).
Marie-Jeanne rappelle « qu’à l’époque, l’accompagnement des familles était assez lacunaire, sans compter la méconnaissance des médecins. De nombreux parents étaient livrés à eux-mêmes pour décoder ce nouveau monde. » Comprenant qu’une personne seule aurait du mal à se faire entendre, Marie-Jeanne se lance dans un parcours associatif qui va durer 25 années, et qui dure encore aujourd'hui ! Elle s’engage au Conseil national consultatif des Personnes handicapées (CNCPH) de 1996 à 1999, devient présidente du Collectif pour l'inclusion scolaire et professionnelle individualisée (CISI) en 2003, puis membre du conseil d’administration de la FNASEPH, poursuivant ainsi l’objectif de traduire en actes l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap. Elle s’engage dans la défense du rôle des Auxiliaires de vie scolaire (AVS) et travaille à améliorer leur formation, participe à diverses commissions, devient membre de la CNCPH et de la CNASEP (où elle sera seule représentante des familles au milieu de représentants des professionnels).
« En tant qu’ancienne présidente de la FNASEPH, j’ai pu mesurer la force de ton investissement auprès des pouvoirs publics, reconnaît Sophie Cluzel. Combativité, opiniâtreté, disponibilité de tous les instants. Et dans les moments difficiles, ne jamais cesser de redire ce que l’on croit et ce que l’on veut. Ne rien lâcher. » Sophie Cluzel décrit Marie-Jeanne comme une femme « brillante, volontaire, engagée ». Marie-Jeanne en retour ne manque pas de la remercier : « Nous ne pouvons que vous remercier pour les avancées qui ont eu lieu sous votre mandat. »
La plus belle des récompenses. C’est dans le local des Pot’irons (espace rencontre de L’Arche à Strasbourg), entourée de Nina, de Caroline, d’amis et de membres de son riche réseau associatif que Marie-Jeanne va recevoir la médaille de Chevalier de l’ordre national du mérite. « Très grande joie pour moi d’être présente ici pour te signifier officiellement la marque de la reconnaissance de la République Française pour le parcours exemplaire qui a été le tien, lui partage son amie et ministre Sophie Cluzel. Aujourd’hui je souhaite saluer l’ensemble de ton action, et Dieu sait qu’elle a été riche, pour les personnes en situation de handicap. » « Marie-Jeanne Braunstein, née Bouchet, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous fais Chevalier de l’ordre national du mérite. »
Quel privilège que d'assister à la remise de cette médaille bien méritée ! Une récompense qui n'en vaut cependant peut-être pas une autre : la satisfaction de voir aujourd'hui Nina travailler en ESAT, avoir son propre appartement et être accompagnée par L’Arche. Bravo et merci Marie-Jeanne, pour tout ce que tu as accompli.
Par Anne Gerken. Photos : Emma Fernandez, volontaire à L'Arche